Le 8 décembre dernier, les Etats membres de l’Union européenne sont parvenus à un accord provisoire sur la première réglementation au monde visant à réguler le secteur de l’intelligence artificielle, baptisé « AI Act ». Depuis lors, les travaux se poursuivent pour finaliser les détails du nouveau règlement européen.
Les Industries Culturelles et Créatives (ICC) et, plus particulièrement les médias, sont en première ligne face à l’adoption prochaine du texte.
L’émergence de l’intelligence artificielle générative a fortement contribué à cette situation. Cette technologie capable de générer du contenu sur simple demande, rapidement, et à faible coût menace les professionnels de la production de contenu.
Dans ce contexte, les médias entendent faire valoir leur position. Mais quelle est-elle précisément ?
La position des médias à l’égard de l’IA s’inscrit dans une quête d’un équilibre qui se veut à la fois juridique et économique.
Dans une lettre adressée à Elisabeth Borne le 22 décembre dernier, les représentants de l’industrie culturelle et créative ont exprimé leurs préoccupations concernant « l’AI Act ».Au premier rang des critiques figure l’obligation faite aux entreprises développant un système d’IA de publier un « résumé suffisamment détaillé » des données d’entraînement.
D’après les signataires, cette exigence ne renvoie pas en l’état du texte à une liste d’œuvres mais à une liste des principaux ensembles de données utilisés. En l’absence de transparence sur le sujet, les acteurs des ICC dénoncent l’impossibilité d’exercer un droit d’opposition à l’utilisation des données ainsi que l’incapacité à monétiser l’usage de ces contenus en application du droit d’auteur.
Ces préoccupations survenues dans le cadre de « l’AI Act » témoignent d’une posture défensive des médias à l’égard d’un phénomène de fragilisation des droits de propriété intellectuelle. Cette position avait déjà été adoptée quelques mois auparavant, notamment au sujet de GPTBot. Pour rappel, cet outil déployé par OpenAI collecte automatiquement les données sur le web afin d’alimenter leur système d’IA. Les contenus créés par les médias et protégés par le droit d’auteur ne font pas exception à cette collecte. Dès lors en l’absence de contrepartie financière, les médias ont majoritairement opté pour le blocage de l’outil. C’est notamment le cas de TF1, BFM TV, France TV, Le Figaro, Le Monde ou encore de Radio France. Cette mesure conservatoire marque donc l’avènement d’un nouveau rapport de force entre les médias et les éditeurs de systèmes d’IA.
Parallèlement, en échange d’un accord financier de plusieurs dizaines de millions d’euros par an, le groupe médiatique allemand Axel Springer, détenteur de titres tels que «Bild», «Die Welt» et «Business Insider», a révélé qu’il permettra à la start-up OpenAI de former ses outils d’intelligence artificielle en utilisant ses articles.
Bien qu’il s’agisse du premier partenariat du genre entre éditeur de systèmes d’IA et éditeur de contenu, celui-ci s’inscrit dans un historique plus large : celui de l’exploitation de la valeur créée par les médias par les mastodontes du numérique comme Google ou Facebook. Tandis que par le passé le rapport de force portait sur la diffusion du contenu, avec l’IA celui-ci s’est déporté autour de la production du contenu. Pour autant, les moyens évoluent mais la finalité demeure la même : l’accord signé par Axel Springer avec OpenAI reflète la volonté des médias de préserver leur équilibre économique.
Ce partenariat laisse toutefois apparaître de nouvelles interrogations. La crainte d’une inégalité entre les médias ayant contractualisé avec les éditeurs d’IA et ceux restant à l’écart pourrait prochainement se matérialiser. Le prix réel à payer pour l’industrie médiatique reste donc encore à ce jour à déterminer. Les médias devront certainement réaliser un numéro d’équilibriste et ce toujours en restant sur le fil d’actualité.
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